Les rebuts de la société

Quand j’étais petit, on considérait les voleurs, les violeurs et les assassins comme les rebuts de la société. Et c’est vrai que ce terme était finalement bien choisi. Il indiquait le caractère inutile voir nocif de ces individus mais aussi que ces indésirables étaient un sous produit de notre société. En quelque sorte, la société avait l’obligation de gérer ses propres déchets.

C’est pourquoi j’ai trouvé que faire un parallèle entre les délinquants et nos déchets ménagers et industriels pourrait nous amener à une réflexion intéressante …

Le traitement des délinquants utilisé par les sociétés anciennes a été de s’en débarrasser en les faisant disparaître. Ainsi, jusqu’au dix-neuvième siècle, les anglais pendaient haut et court les voleurs de poules. Mais cette méthode certes expéditive et efficace nous parait aujourd’hui manquer quelque peu d’humanité. Et nous l’avons remplacée par d’autres dites plus civilisées.

La manière la plus pratiquée aujourd’hui consiste à enfermer le délinquant dans un lieu clos, appelé couramment prison, afin que ses nuisances restent confinées à l’intérieur de la prison. Mais le parallèle avec les déchets industriels nous en montre les limites : les déchets se contaminent les uns les autres, et sont donc plus polluants lorsqu’ils parviennent à s’échapper.

Une autre manière consiste à réserver des zones délimitées pour y stocker les déchets jusqu’à ce que le temps seul résolve le problème. Pour les délinquants, cela s’appelle pudiquement une zone dite de non droit. Là encore, les décharges publiques nous montrent les limites d’une telle pratique : les intempéries extérieures se chargent de diffuser la pollution bien au-delà des frontières fixées pour le stockage. Et une économie parallèle s’y développe.

Une solution consiste enfin à exporter chez les autres nos délinquants. A une autre époque, cela s’appelait le bannissement, et c’est maintenant appelé une expulsion. Mais elle présente l’inconvénient majeur de ne pouvoir être pratiquée que sur les étrangers, sur les rebuts produits par une autre communauté, un retour à l’envoyeur en quelque sorte. Inversement, elle se pratique à grande échelle pour les déchets ménagers et surtout industriels. Ainsi, la France récupère les déchets nucléaires à La Hague.

Au fait, quel intérêt à effectuer ce parallèle ? Tout simplement pour montrer que tout comme nous commençons tout juste à développer des méthodes vertueuses pour traiter nos propres déchets, nous pourrions utiliser ces mêmes méthodes pour réduire la délinquance.

Par exemple on pourrait commencer par recycler l’énergie dégagée par les délinquants grâce à des travaux d’intérêt général. Un voleur de vélo chargé de nettoyer le canal dans lequel il a jeté le vélo, un meurtrier au volant chargé de la désincarcération des grands accidentés de la route, un fraudeur fiscal chargé de traquer les délinquants financiers, cela aurait de la gueule.

Mieux encore, on pourrait essayer de produire moins de délinquants. On pourrait par exemple améliorer l’éducation pour tous, créer un service civil ou militaire obligatoire qui permettrait à tous de se socialiser, d’apprendre à conduire et éventuellement se trouver un métier. On pourrait aussi limiter les injustices sociales et mieux répartir les richesses …

Mais cessons de divaguer, car on n’a pas le droit de comparer certains hommes à des déchets. Et chacun sait que ce qu’il nous faut, c’est plus de prisons et plus de policiers !

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