Des réponses sans questions

Nous avons tous beaucoup de questions sans réponses, et plus nous cherchons à y répondre, moins il nous semble possible d’y répondre. Alors certains disent que c’est parce que l’on se pose de mauvaises questions, que la vie est ainsi faite, que tout simplement qu’il n’est peut-être pas si important que cela de répondre à ces questions.

En ce qui me concerne, j’ai décidé d’utiliser des réponses sans question pour répondre à ces questions sans réponses. À défaut de vous prouver que cette méthode est pertinente dans tous les cas, je vais essayer de vous en démontrer toute l’efficacité. En m’appuyant sur les trois réponses sans question que j’utilise le plus souvent : trente huit, bleu, et « Ca se discute ».

J’utilise la première lorsqu’on me demande un chiffre et que je ne sais pas répondre comme cela dans l’instant. Par exemple :

– combien te faut-il de jours pour faire cela ?
– Ben, trente huit jours
– Non, tu déconnes là, écoute je pense qu’en deux jours, cela peut être torché
– Bon, ben, fais comme tu voudras …

Il est remarquable qu’à une question aussi précise que la demande d’un chiffre, une réponse concise et précise ne provoque pas l’effet attendu : j’aurais répondu un peu, pas mal, beaucoup, ou trop qui sont tout sauf des réponses chiffrées, j’aurais obtenu facilement une approbation de la part de mon interlocuteur, alors qu’une réponse chiffrée, quelle qu’elle soit, provoque immanquablement le doute et la contestation.

J’utilise la seconde lorsqu’on me demande de choisir sans que j’aie en mains les éléments pour apporter la bonne réponse. Par exemple, à la question « Chéri, que dirais tu si j’utilisais ce nouveau shampoing de l’Oréal, je le vaux bien, non ? », je réponds « pourquoi pas, mais bleu », ce qui plonge toujours ma femme dans la plus grande perplexité : Pourquoi bleu ?.

En fait, votre interlocuteur n’attend pas une réponse mais souvent d’être conforté dans sa position à lui. Lui répondre ainsi introduit une nouvelle dimension qui va l’obliger à réfléchir, à trouver du sens à votre réponse, à répondre à votre réponse. En quelque sorte, vous le punissez d’avoir osé poser sa question en le mettant face à une réponse inattendue.

J’utilise la troisième lorsqu’on me pose une question dite fermée (en simplifié une question où vous ne pouvez répondre que par oui ou non). L’exemple le plus typique est la question sans réponse « Dieu existe-t-il ? ». Et vous voyez tout de suite que « Ça se discute » s’adapte parfaitement à la question, à défaut d’y répondre.

Une fois de plus, votre questionneur est renvoyé à ses propres réponses. Mais, cette réponse montre aussi la grande profondeur de ma réflexion : j’ai réfléchi suffisamment longtemps à la question pour ne plus pouvoir proposer qu’une réponse de normand. Et voilà comment, en répondant n’importe quoi aux questions, on se fait passer pour brillant, intelligent et drôle.

Alors, convaincu ? Et au cas très improbable ou tous ne le seraient pas déjà, je soumets aux irréductibles les réponses sans question suivantes :

– Vingt pour cent d’augmentation
– Et pourquoi pas un baby foot
– Il faut mettre cela en perspective

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